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La ferme utopique

La ferme utopique

Photographier les fermes de la première moitié du XXe siècle est une occasion de regarder les traces visibles du passé dans le présent et, par conséquent, de comprendre comment, même dans le présent, le passage du temps influence notre façon de voir, car chaque image est source d’évocation et produit des souvenirs.

Ces fermes, contaminées par les normes de l’hygiène publique, se détériorent dans de surréalistes sables mouvants de l’environnement. La proximité s’éloigne d’elles alors que le monde enfonce ses portes. Le Québec, fin palais, se nourrit de nouvelles tendances et importe sa bouffe. Moins chère, plus salée et sucrée ! Elles jettent la serviette devant les droits de produire ou les plans conjoints de la mise en marché : le gros capital et les diplômes administratifs du profit sont requis. Elles luttent contre la pénurie de main d’oeuvre, la passation à la relève pas toujours accueillante et la trésorerie insuffisante. Certaines planent sur l’exotisme de l’insecte ou du yak. Au moment même où l’agriculture régionale périclite depuis quelques décennies, elles sont supplantées par l’agro-industrie "américaine", qui favorise la prolifération insignifiante des banlieues dans de vastes zones agricoles autour de Montréal et Québec.

Cette histoire de missions catholiques, comme agent fortifiant de l’agriculture, et de pauvreté a pris le bord du drain. Une génération évanescente, qui en a labouré pour profiter des années de la fin du parcours de la vie, n’y croient plus. Une cohorte naissante de jeunes agriculteurs, entrepreneurs ou paysans y croient. Or, comme l’histoire n’est pas ce qui fait gonfler nos biceps, ferons-nous la différence entre les promesses tenues et l’incertitude du vide ?